Michel Nuridsany “Pour saluer Cristina Barroso“

“Un tableau est un fait“
Ludwig Wittgenstein
(Tratactus logico-philosophicus)

Comment dire ce-là? Cristina Barroso, d’année en année, sans véritablement révolutionner sa pratique picturale elle-même, par le jeu complexe et subtil de la mise en rapport entre les oeuvres - de la mise en scène peut-être, de la mise en espace sûrement - permet à ce qui se dit à travers elle de s’épanouir de plus en plus librement. Mais pas n’importe comment.

Duchamp a raison de dire, dans une interview avec James Johnson Sweeney, qu’un des grands problèmes, en art, c’est le “goût“ qui enferme l’artiste dans le confort de l’habitude  et du connu:

“- Marcel Duchamp: Ne comprenez-vous pas que le danger essentiel est d’aboutir à une forme de goût, serait-ce même le goût de la “Broyeuse de chocolat“?

- Sweeney: Selon vous, donc, le goût serait la répétition de toute chose déjà acceptée.

- Duchamp: Exactement. C’est une habitude. Recommencez la même chose assez longtemps et elle devient un goût. Si vous interrompez votre production artistique après avoir créé une chose, celle-ci devient une chose-en-soi et le demeure. Mais si elle se répète un certain nombre de fois elle devient un goût.“

Se libérer, c’est se libérer du goût comme du reste. Se libérer, c’est larguer les amarres. La liberté n’est pas un don du ciel: elle se conquiert. Il faut d’abord l’identifier; puis lui faire rendre gorge. Oui, la liberté c’est une violence.

Cette liberté-là, Cristina Barroso l’a trouvée en Allemagne, loin du Brésil et de ses charmes. Loin de la liberté tropicale, émoliente et sauvage. Loin de ce territoire clos par la mer et la forêt, qui s’isole dans son immensité.

“il n’y a plus que la Patagonie, la Patagonie qui convienne à mon immense tristesse!“, écrivait Blaise Cendrars au début du siècle. À quoi convient le Brésil? À la “saudade“? À la sensualité éblouie? À l’exploration, par défaut, du concret (ou du néo-concret)?

La jeune artiste nommée Cristina Barroso, je l’ai connue au Brésil dans les années 80, à peu près au moment où, commissaire pour la France à la Biennale de São Paulo, j’avais amené avec moi Buren, Boltanski, Lavier, Sarkis et Jean-Pierre Bertrand, quand Sheila Leirner dirigeait avec l’autorité, l’ouverture et la compétence qu’on lui connaît, et qu’on lui reconnaît, cette manifestation qui n’a plus, après elle, retrouvé cet éclat. Après cette rencontre, j’ai vu Cristina Barroso, de loin en loin, se libérer des carcans d’une espèce de fallacieuse identité nationale qui, en ce temps-là, consistait à mettre les couleurs du Brésil sur les tableaux et autres balivernes du même genre, qui ne lui allaient pas, pour venir, au coeur de l’Europe compliquée. à Munich, exprimer sur la scène internationale ses inventions à la fois  personnelles et impersonnelles, comme il se doit chez un artiste d’un tant soit peu d’envergure.

Les cartes qu’elle figurait dans des coffres ou dans des boîtes, en ce temps-là, sont à l’image de ce souci essentiel.

Rein de plus précis, rien de plus objectif, rien de plus scientifique qu’une carte, simple relevé, au plus près, d’une réalité analysée, décryptée, retranscrite par d’autres moyens… Mais, disant cela, n’ai-je pas décrit ce qui fait l’essentiel de l’activité artistique? Cristina Barroso s’engouffre dans l’ouverture: la carte est ici l’analogon de la figuration du monde visible jusqu’aux confins mesurables, ou plutôt enregistrables, dans le lointain Cosmos ou dans les abysses de l’infiniment petit, avant qu’il ne bascule dans l’étrange remue-ménage des bizarreries quantiques. 

“L’oeil écoute“ disait Claudel. Dans l’exposition de Cristina Barroso, un globe terrestre de fantasie est affublé d’un casque tel qu’en ont les adolescents équipés de “baladeurs“. S’agit-il de figurer le monde à l’écoute des messages de l’univers ou de le représenter à l’écoute de lui-même? S’agit-il de montrer que la carte (ou le globe terrestre qui est une autre forme de la carte), lorsqu’on le considère comme analogon de l’oeuvre, est une entité vivent, vaguement anthropomorphe? Les bruits de la ville qu’on entend, là, pourraient le laisser supposer. Claudel, - qu’on ne lit plus beaucoup aujourd’hui et l’on a tort - disait aussi, citant, je crois, un proverb espagnol, que “Dieu écrit droit par des chemins tortueux“. Cristina Barroso écrit droit, elle aussi, par des chemins tortueux un peu semblables. 

Brouillant les cartes, elle circule ainsi de Cologne à Jerusalem, passe de la photo au Xerox, apparaît, disparaît et surtout, l’expérience aidant,  elle apprend à rendre tout son matériel artistique pliable, démontable: en un mot transportable. Façon d’être nomade, aujourd’hui. Façon aussi d’installer un peu d’éphémère dans la permanence.

Ce qu’il y a, on le verra ici, dans les reproductions des oeuvres. C’est l’esprit de tout cela que je veux dire: cette circulation, cette errance non pour englober un savoir mais pour montrer la validité de tout cela, partout, toujours, la présence de la description et de la traduction par des chiffres ou par des lettres, par des formes dessinées, aussi, parfois.

Dans le dernier travail, il y avait une réflexion forte sur les relations de la carte et du territoire*, qu’il me semble j’avais contribué à mettre en lumière d’après les trouvailles fulgurantes de l’artiste.

C’est le temps qui apparaît, tout aussi fortement, dans ce qui nous est montré maintenant, de manière directe et claire, à travers les strates visibles dans les photographies réalisées sur la terre d’israël, pays de la Bible pris comme la mesure la plus reculée du temps, et à travers tous les chiffres qui balisent l’oeuvre et l’ouvrent à l’imaginaire turbulent.

Puis-je dire enfin que je vois avec plaisir ce travail évoluer, se concentrer er se dilapider comme un pollen délicieux. Puis-je dire enfin que Cristina Barroso est devenue, avec modestie mais avec exigence et avec fermeté, une très passionnante artiste internationale, et que son retour au pays, chargée de tout ce poids et de toute cette légèreté, me paraît être pour nous touts (car je me sens un peu brésilien) à la fois des plus agréable et signe d’autres aventures qui se feront peut-être du côte de l’Amazone qui rôde ici, déjà, comme un élargissement encore plus vaste du propos.

Michel Nuridsany, Paris, janvier 2000
*  “La carte et le territoire“ est le premier texte que Michel Nuridsany écrit sur l'artiste en 1994.

O texto em português

Michel Nuridsany, “Saudando Cristina Barroso“

“Uma pintura é um fato“
Ludwig Wittgenstein
(Tratactus logico-philosoficus)

Como dizer? Sem verdadeiramente revolucionar a própria prática da pintura, Cristina Barroso, ano após ano, dá ao que é dito através desta prática a possibilidade de ampliar-se cada vez mais livremente, com o jogo complexo e sutil da relação entre as obras - da encenação talvez, do cenário no espaço certamente. Mas não de uma maneira qualquer.

Duchamp tem razão ao dizer, em uma entrevista com James Johnson Sweeney, que um dos grandes problemas na arte é o "gosto" que prende o artista ao conforto do hábito e do conhecido:

"- Marcel Duchamp: Você não vê que o perigo essencial é o de acostumar-se a uma forma de gosto, mesmo que seja a do gosto do 'Triturador de Chocolate'?

- Sweeney: Segundo você, então, gosto é a repetição de tudo que já é aceito.

- Duchamp: Exatamente. É um hábito. Se fizermos a mesma coisa durante um certo tempo ela transforma-se num gosto. Se interrompermos a produção artística depois de criar uma coisa, ela se torna uma coisa-em-si e permanece assim. Mas se a repetirmos um certo número de vezes, ela transforma-se num gosto.“

Libertar-se é livrar-se do gosto, assim como de tudo o mais. Libertar-se é largar as amarras. A liberdade não é um dom divino: ela deve ser conquistada. Primeiro é preciso identificá-la; depois forçá-la a render-se. Sim, a liberdade é uma violência.

Esse tipo de liberdade, Cristina Barroso encontrou na Alemanha, longe do Brasil e de seus encantos. Longe da liberdade tropical, emocional e selvagem. Longe desse território que se isola na sua imensidão, cercada pelo mar e pela floresta.

“Agora só mesmo a Patagônia, só a Patagônia combina com a minha imensa tristeza!”, escreveu Blaise Cendrars na virada do século. Com que o Brasil combina ? Com  a “saudade”? Com a sensualidade deslumbrante? Com a exploração, por compensação, do concreto (ou do neo-concreto)?

A jovem artista chamada Cristina Barroso, eu conheci no Brasil na década de 80, mais ou menos na época em que, sendo curador da Bienal de São Paulo para a França, trouxe comigo Buren, Boltanski, Lavier, Sarkis e Jean-Pierre Bertrand. Na época em que Sheila Leirner dirigia com sua conhecida e reconhecida autoridade, abertura e competência, este acontecimento que depois dela nunca mais recuperou o seu brilho. Depois desse encontro, eu vi Cristina Barroso livrar-se aos poucos das limitações de uma espécie de identidade nacional falaciosa que não combinava com ela e que naqueles tempos consistia em colocar as cores do Brasil em quadros e outras puerilidades do gênero. Ela veio exprimir as suas invenções ao mesmo tempo pessoais e impessoais - como se deve fazer todo artista com um pouco de envergadura - na cena internacional, no centro desta complicada Europa, em Munique.

Os mapas que ela fazia nesse período em caixotes e caixas, eram a imagem desta preocupação essencial.

Nada mais preciso, mais objetivo, mais científico do que um mapa, um simples levantamento, o mais próximo possível, de uma realidade que foi analisada, decifrada e transcrita por outros recursos... Mas, ao dizer isto, eu não descrevi o essencial da atividade artística? Cristina Barroso precipitou-se na abertura: o mapa neste caso é o análogo da figuração do mundo visível até os confins do comensurável, ou melhor, do registrável, no cosmos longínquo ou nas profundezas do infinitamente pequeno, antes de cair na estranha turbulência das excentricidades quânticas.


"O olho ouve", disse Claudel. Na exposição de Cristina Barroso, um globo terrestre é equipado com fones de ouvido como aqueles usados por adolescentes. Trata-se de figurar o mundo à escuta das mensagens do universo, ou de representá-lo à escuta de si mesmo? Trata-se de mostrar que o mapa (ou o globo terrestre, outra forma do mapa), quando o consideramos como um análogo da obra, é uma entidade viva, vagamente antropomórfica? Os sons da cidade que ouvimos lá podem sugerir isso. Claudel, que hoje em dia quase não é mais lido - o que é um erro - também dizia, acho que citando um provérbio espanhol, que "Deus escreve direito por linhas tortas“. Cristina Barroso também escreve direito por caminhos tortuosos um pouco semelhantes. 

Embaralhando as cartas, ela circula assim de Colônia a Jerusalém, passa da fotografia ao xerox, aparece, desaparece e, sobretudo, com a experiência, aprende a tornar todo o seu material artístico dobrável, desmontável, em suma transportável. Maneira de ser nômade hoje em dia. Maneira também de instalar um pouco de efêmero na permanência.

O que há, veremos aqui, nas reproduções das obras. É o espírito de tudo o que quero contar: essa circulação, essas andanças - não para englobar um saber mas para mostrar a validade de tudo, em todos os lugares, sempre - a presença da descrição e da tradução com números ou com letras, às vezes com formas desenhadas também.

No último trabalho havia uma forte reflexão sobre as relações entre o mapa e o território* que, acho, eu contribui para desvendar seguindo as deslumbrantes descobertas da artista.

É o tempo que aparece também tão forte no que nos é mostrado agora, de forma direta e clara, através dos estratos visíveis nas fotografias tiradas na terra de Israel, a terra da Bíblia visto como a mais longínqua medida do tempo, e através de todos os números que marcam a obra e a abrem para o turbulento imaginário.

Por fim, posso dizer que vejo com prazer este trabalho evoluir, concentrar-se e difundir-se como um pólen delicioso. Posso dizer por fim que Cristina Barroso se tornou, com modéstia mas com exigência e firmeza, uma artista internacional fascinante. E que sua volta à terra natal, carregada com todo este peso e toda esta leveza, parece ser para todos de nós (porque me sinto um pouco brasileiro) das mais agradáveis e, ao mesmo tempo, o sinal de outras aventuras, talvez Amazônicas, que já rondam por aqui como para uma ampliação ainda mais vasta do discurso.

Michel Nuridsany, Paris, Janeiro de 2000
*  “O Mapa e o Território“ foi o primeiro texto que Michel Nuridsany escreveu sobre a artista em 1994.